Oral d’Histoire des Arts - Arts plastiques - Session 2016

Artiste : Tony Riga
Nature de l’oeuvre : Sculpture-vivante (coiffe et jabot)
Titre de l’oeuvre : L’Europe
Année de réalisation : 2001
Dimensions : Environ 100 cm x 30 cm x 15 cm
Mouvement artistique : Proche de l’Arte Povera (1960), des revendications du Pop Art des années 67…
Philosophie de l’artiste : Recycler les déchets naturels et objets manufacturés de la société de consommation.

Mis à jour le jeudi 17 mars 2016 , par Katia CLAMARAN

Biographie

Tony Riga est un artiste plasticien, metteur en scène et costumier guyanais qui s’est nourri de la diversité culturelle de son pays de naissance.
Attiré par la création artistique depuis l’enfance il effectue un CAP menuiserie. Très tôt l’originalité de ses oeuvres attire l’attention.
En 1990 il quitte la Guyane pour tenter sa chance à Paris où il agence les locaux de Chanel, France Télécom, EDF. Par suite il devient régisseur et encadreur des oeuvres d’Arts du Centre Pompidou à Paris. Parallèlement à cela il prend des cours d’Arts plastiques à l’Ecole des Beaux Arts de Paris où il expérimente la peinture, la sculpture et la création de vêtements.
Depuis 1998 Tony Riga crée chaque année des costumes pour le carnaval de Guyane avec son groupe Natural Tribal.

Natural Tribal a été fondé en 1999.
Le but de ses membres est de préserver la Nature et les traditions culturelles ancestrales. Ils puisent les matières premières de leurs oeuvres dans leur environnement proche et s’intéressent tant aux objets de rebut de la société de consommation (canettes, sacs poubelles, pièces électroniques, pneus, chaussures…), qu’aux éléments "naturels" glanés dans la nature (feuilles, graines, os d’animaux, oiseaux, plumes, fleurs…).

Contexte de réalisation de l’oeuvre

  • 1er janvier 2000 : introduction de l’euro dans 11 pays de l’Union européenne pour former l’Union Économique et Monétaire.
  • 11 septembre 2001 : attentats terroristes aux États-Unis faisant 3 000 morts environ. La guerre contre le terrorisme dans le monde est déclarée.
  • 10 mai 2001 : vote de la loi Taubira reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité.
  • 2 novembre 2001 : Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle.

Conscient des problématiques environnementales de son époque Tony Riga dénonce la société de consommation et la pollution. Ses oeuvres sont un appel au recyclage en tout genre des objets manufacturés.
Imprégné de la multiculturalité guyanaise l’artiste crée des "sculptures-vivantes" aux identités multiples. Ces êtres fantastiques mi-européens, mi-africains, mi-asiatiques, mi-indiens, mi-modernes, mi-tribaux sont hybrides. Ils vivent hors les frontières spatiaux-temporelles-culturelles de leur époque.

Description et analyse de l’oeuvre

L’Europe est une sculpture en deux parties créé par Tony Riga en 2001. Elle fait partie d’une série d’oeuvres ayant pour thème "Les cinq continents".
Il s’agit d’un ensemble : "coiffe et jabot modernes" qui met en scène la rencontre de l’Europe du XVIIe siècle et de l’Afrique tribale.

La coiffe est une perruque royale extravagante d’environ 100cm x 30cm x 15cm de cheveux humains frisés volumineux teints en bleus. Posée sur le buste d’un homme à la peau sombre elle ressemble aux perruques (crêpées, bouclées, frisées) du XVIIe siècle portées par les européens et s’apparente pourtant étrangement au style de coiffure afro des Afro-américains des années 70.

A l’avant, elle est ornée d’une trentaine de dards de poissons épars (dards de machoirans récupérés sur la plage) en guise de bijoux, ce qui lui donne un aspect tribal et est sertie d’une douzaine de fleurs en plastiques argentées.

A l’arrière, un bijoux dans les teintes de bleus constitué de plumes et du corps d’un pigeon aux ailes déployées est fixé sur des feuilles végétales, de la dentelle et des tiges de lianes tombantes. Il est piqué dans les cheveux telles les broches utilisées dans les perruques royales du XVIIe siècle.

Le jabot, ornement d’habillement en dentelle traditionnellement placé sur une chemise aux XVIIe et XVIIIe siècles, est chez Riga, serti de six squelettes de têtes de poissons, ramassés sur la plage, peints en couleur bronze.
Dards et arrêtes de poissons autant que pigeons sont choisis délibérément par l’artiste dans le répertoire culturel "ethnique" de "tribus" africaines. Les cheveux ont été récupérés dans les poubelles des salons de coiffure de Cayenne. Lavée, teinte, crêpée et tissée sur un support de grillage, la perruque symbolise la coiffure afro dans toute sa splendeur.

L’objectif pour l’artiste est de détourner l’Europe en Afrique. C’est-à-dire de souder les liens relationnels historiques et modernes entre les civilisations européennes et africaines en symbolisant la rencontre des deux continents.

Il y a une réflexion sur l’identité afro-européenne qui est puisée dans différentes cultures identitaires (française, européenne, africaine, afro-américaine, tribale, ethnique). Cette coiffe fait d’ailleurs partie du costume intitulé Le Roi cannibale, daté de 2002.

Costumes, coiffes, bijoux sont imprégnés du passé, du présent et de l’avenir des hommes. Ce qui leur confère une aura mystique.

Style, mouvement ou courant artistique

L’oeuvre de Tony Riga peut être rapprochée du pop-art des années 60 dont les artistes s’approprient les objets de la vie courante pour en faire des oeuvres ; du symbolisme littéraire et artistique de la fin du XIXe qui privilégie le subjectif, valorise l’imaginaire, le mystérieux, l’étrange, le fantastique, les zones d’ombre, les correspondances entre le visible et l’invisible ; des artistes de l’Arte Povera des années 67 qui défient l’industrie culturelle et plus largement la société de consommation en utilisant des produits pauvres (sable, chiffons, terre, bois, vêtements usés, etc.) et les positionne comme des éléments artistiques de composition ; voir de l’hyperréalisme des années 60-70 qui produit des figurations tellement proches de la réalité qu’elles en deviennent déroutantes.

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